Pour l’armée, mission bientôt accomplie au sud du Litani, quid des Israéliens ? L’OLJ / Par Scarlett HADDAD

Au moment où le chef de l’armée, Rodolphe Haykal, exposait devant le Conseil des ministres le troisième rapport mensuel sur l’application du plan du monopole des armes, les Israéliens ont bombardé plusieurs localités du Sud, notamment des immeubles résidentiels. Pourtant, le général Haykal était justement en train d’expliquer le travail accompli par les militaires dans la zone située au sud du Litani.

Après avoir étalé une carte détaillée de cette zone, le commandant en chef a expliqué comment les soldats l’ont divisée en plusieurs secteurs, qu’ils traitent l’un après l’autre. Ils commencent par les ratisser, à la recherche d’éventuels dépôts, de tunnels ou d’autres positions du Hezbollah. Une fois cet examen approfondi terminé, les militaires reviennent sur les lieux suspects. Ils y recherchent les armes et s’en emparent. Celles qu’ils peuvent utiliser sont récupérées et les autres sont placées dans des endroits précis en attendant d’être détruites. Dans ce contexte, des sources militaires révèlent que près de 120 tunnels souterrains utilisés par les combattants du Hezbollah ont été découverts, dont l’un ressemble beaucoup à celui qui figure dans l’une des vidéos du Hezbollah sur le tunnel appelé Imad 3. La plupart des tunnels découverts ressemblent essentiellement à des salles d’opérations militaires dotées d’écrans et d’équipements techniques. Pour l’instant, la plupart de ces tunnels n’ont pas été détruits par les soldats qui ont préféré les bloquer. Car le fait de les détruire exigerait une grande quantité d’explosifs dont l’armée ne dispose pas.

D’ailleurs un des principaux problèmes auxquels se heurte l’armée actuellement dans l’exercice de sa mission, c’est justement l’insuffisance des moyens dont elle dispose. Ce problème est régulièrement soulevé par les militaires lors de leurs rencontres avec leurs homologues américains, d’autant que la plus grande partie des armes de la troupe provient directement des États-Unis. Selon un officier libanais, il faudrait garder à l’esprit que l’aide américaine à l’armée israélienne s’élève à 10 milliards de dollars par an, alors que celle accordée à l’armée libanaise est de 180 millions de dollars par an. Un manque qui se fait sentir…

Malgré cela, l’armée, selon le général Haykal, applique scrupuleusement sa mission. Mais la capacité de l’armée à inspecter ce qui reste du territoire dépend grandement des Israéliens qui, par leurs attaques répétées, leurs incursions et leurs opérations de surveillance, entravent sa mission. Ceux-ci prennent d’ailleurs soin de se faire accompagner, dans toutes leurs inspections, par des soldats de la Force intérimaire de l’ONU (Finul). D’une part, ceux-ci les aident dans le travail sur le terrain et, d’autre part, ils sont aussi témoins de l’ampleur de ce qui a été accompli.

Selon les mêmes sources militaires, les Israéliens occupent près de 12 km2 à l’intérieur du territoire libanais et il est certain que le Liban ne compte pas laisser cette question en suspens. Surtout qu’elle va se poser avec acuité avec l’achèvement de la mission de l’armée dans la zone au sud du Litani, conformément au plan adopté par le Conseil des ministres. La première phase de ce plan prévoit en effet le déploiement de l’armée dans la zone située au sud du Litani et la destruction de toute l’infrastructure militaire du Hezbollah dans cette zone. En contrepartie, les Israéliens doivent se retirer des positions récemment occupées, c’est-à-dire des près des 12 km2 déjà mentionnés. S’Ils ne le font pas, selon le plan de l’armée, celle-ci ne se sentira pas obligée de passer à la seconde phase qui porte sur une zone située entre les fleuves Litani et Awali. Même si le travail d’inspection à la recherche de dépôts d’armes et d’infrastructures paramilitaires a déjà commencé dans ce secteur, la destruction de ces armes et de ces installations ne commencera qu’une fois la première phase totalement achevée, c’est-à-dire une fois que les Israéliens se seront retirés de ces positions. Or, jusqu’à présent, rien n’indique que les Israéliens aient l’intention de le faire. Au contraire, ils ne cessent de poser de nouvelles conditions. C’est ainsi que récemment, ayant suivi le travail accompli par l’armée sur le plan de démantèlement des positions et des dépôts du Hezbollah au sud du Litani, ils se sont mis à exiger la fouille des maisons dans toute cette zone. Or la loi interdit ce genre d’actes car les domiciles sont considérés comme des propriétés privées. L’armée peut les inspecter dans deux cas seulement, si les habitants acceptent que leurs maisons soient fouillées et si elle fait face à un flagrant délit de cache d’armes. Il y a quelques jours dans la localité de Rachaf, au Liban-Sud, les Israéliens avaient exigé que l’armée fouille les maisons sous prétexte que des armes y étaient cachées, mais les habitants ont eux-mêmes invité l’armée à les inspecter et rien n’a été trouvé. L’armée bénéficie certes d’une excellente relation avec les habitants du Sud, mais cela ne signifie pas qu’elle peut outrepasser la loi qui oblige à respecter les propriétés privées.

En tout cas, selon les sources militaires précitées, l’armée est désormais convaincue que le Hezbollah, en tant que faction militaire, a totalement abandonné la région au Sud du Litani. Cela ne signifie pas que les habitants de cette zone, membres du Hezbollah, n’ont pas le droit de s’y rendre. En principe, au début de l’année prochaine, l’armée sera donc prête à passer à la seconde phase du plan si les Israéliens se retirent de leur côté. Mais s’ils ne le font pas, les autorités libanaises devront prendre une décision à ce sujet, après des discussions avec le « mécanisme ». Le Liban fait de son mieux pour retirer tous les prétextes éventuels que pourraient utiliser les Israéliens pour maintenir leurs pressions et poursuivre leurs attaques.